Le RCCI face aux enjeux numériques croissants

Le Responsable de la Conformité et du Contrôle Interne (RCCI) occupe une place stratégique au sein des institutions financières et des entreprises soumises à une forte régulation. Chargé d’assurer la bonne mise en œuvre des réglementations et procédures en vigueur, le RCCI veille non seulement à la conformité des activités de son organisation avec les exigences légales et réglementaires mais également à l’identification et aux contrôles des risques stratégiques, opérationnels et financiers.

Dans quel domaine un RCCI est-il présent ?

La fonction de RCCI est obligatoire dans les secteurs financiers (banque, assurance, ...) conformément aux exigences réglementaires propres à ces activités. Au-delà de ces secteurs régulés, les grandes structures, les groupes internationaux ainsi que certains acteurs de secteurs particulièrement réglementés choisissent également de se doter d’un RCCI pour encadrer leurs risques opérationnels et réglementaires et renforcer leur dispositif global de gouvernance.

Classiquement, les enjeux du RCCI s’articulent autour de trois grandes typologies de risques : financier, opérationnel et réglementaire. Les évolutions numériques génèrent surtout une augmentation significative des risques opérationnels et réglementaires mais également financiers à travers la multiplication des risques de fraude.  Face aux nouveaux défis liés au numérique tels que la cybersécurité, l’automatisation ou l’externalisation, le renforcement des dispositifs de contrôle devient indispensable pour protéger l’entreprise sur l’ensemble de ces dimensions

1. De plus en plus de données traitées

Le principal défis du numérique pour le dispositif de gestion des risques réside dans l’accroissement des volumes de données à traiter, conjuguée à la diversification croissante de leurs sources :  les informations ne proviennent plus uniquement des systèmes internes, mais aussi d’une multitude d’acteurs externes, d’applications cloud et de services tiers.

Face à ces volumes croissants, les RCCI doivent désormais établir des stratégies d'échantillonnage pertinentes et mettre en place des indicateurs d'alerte avancés pour cibler leurs contrôles sur les zones de risque prioritaires.

D’un point de vue réglementaire, plusieurs textes européens et internationaux renforcent cette pression autour de la qualité, de la gouvernance et de la traçabilité des données. La directive MiFID II impose des exigences strictes en matière de reporting, d’archivage et de transparence des transactions, obligeant les établissements à traiter une quantité considérable de données structurées et non structurées. Le RGPD, quant à lui, encadre le traitement des données à caractère personnel, en instaurant des principes de minimisation, de sécurité et de transparence qui impactent directement les processus de collecte et d'analyse. D'autres réglementations comme DORA, CSRD, SFDR, Solvabilité II ou Bâle III viennent également amplifier la demande de données fiables, exhaustives et traçables pour alimenter des reportings réglementaires, des modèles de risques ou encore des indicateurs de performance ESG.

Opérationnellement, ces exigences imposent la mise en place de dispositifs robustes de gouvernance de la donnée, incluant des processus de vérification de la qualité, des référentiels unifiés, des droits d’accès strictement encadrés et une documentation rigoureuse. Cette nécessité pousse les directions conformité à collaborer étroitement avec les directions IT, data et métiers pour garantir l’intégrité et la cohérence des flux d’information.

Pour le RCCI, il s’agit de superviser des chaînes de traitement de données complexes, souvent automatisées, où la moindre anomalie peut entraîner des écarts de conformité majeurs, de participer à l’élaboration des cartographies de données critiques et de s’assurer que les dispositifs de contrôle embarquent des logiques d’auditabilité et de traçabilité conformes à chacune des exigences réglementaires.

2. Lutte contre la fraude, la corruption et blanchiment d’argent

La lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) constitue un enjeu majeur et traditionnel du métier de RCCI : le dispositif doit inclure des procédures de vigilance renforcées, de connaissance client (KYC) et de surveillance des transactions suspectes, conformément aux obligations prévues par le Code monétaire et financier.

Toutefois, de plus en plus de textes récents renforcent et étendent les obligations en matière de lutte contre la fraude, la corruption et le blanchiment. Au cœur de ce dispositif, la directive DSP2 (et bientôt DSP3) impose une authentification forte des clients et des exigences strictes en matière de sécurité des paiements électroniques, essentielles pour prévenir les fraudes dans les services bancaires numériques. La loi Sapin II introduit par ailleurs des obligations de mise en place de dispositifs anticorruption, incluant des cartographies des risques, des procédures d’alerte interne et des contrôles comptables spécifiques. Enfin, les directives sur le commerce électronique et la Loi pour la Confiance dans l'Économie Numérique (LCEN) encadrent les activités numériques de manière plus large, en imposant des obligations de transparence, de conservation des données et de coopération avec les autorités en cas de contenu ou d’activité illicite.

Ces exigences se traduisent par la nécessité de renforcer les dispositifs de détection automatisée des comportements atypiques, d'intégrer des outils de surveillance en temps réel, et d'assurer l'interconnexion des bases de données internes et externes (notamment pour les listes de sanctions ou les bases de données fiscales). Les entreprises doivent également garantir la traçabilité complète des flux financiers, y compris dans des environnements décentralisés ou innovants (blockchain, wallets, plateformes de services financiers numériques).

Ces évolutions accroissent considérablement la charge de supervision pour la conformité qui doit veiller à ce que les procédures, les risques et les contrôles soient adaptées aux nouveaux canaux numériques, que les outils de filtrage soient correctement paramétrés et mis à jour, et que les équipes disposent des compétences nécessaires pour identifier les typologies de fraude émergentes.  En contrepartie, la disponibilité croissante de données permet d'améliorer l'efficacité des contrôles, en facilitant l'automatisation de certaines vérifications et en affinant la détection des anomalies.

3. Enjeux de cybersécurité croissants

La cybersécurité est devenue un enjeu majeur pour l’ensemble des secteurs d’activité : les menaces pèsent aussi bien sur la confidentialité des données que sur la continuité d’activité et la réputation des entreprises, rendant indispensable le renforcement des dispositifs de sécurité. La dépendance croissante aux prestataires technologiques constitue également un autre risque significatif : le recours à des services cloud ou à des plateformes externes crée des vulnérabilités potentielles que le RCCI doit identifier et encadrer. Cette externalisation partielle du système d'information impose une vigilance accrue sur les contrats et les garanties apportées par ces prestataires en matière de sécurité et de continuité.

La collaboration avec les autres fonctions de l'entreprise s'intensifie particulièrement avec les équipes informatiques et de sécurité : le RCCI doit travailler en étroite collaboration avec le Responsable de la Sécurité des Systèmes d'Information (RSSI) et le Délégué à la Protection des Données (DPO) pour garantir une approche cohérente des enjeux de conformité.

De surcroit, la cybersécurité fait désormais l’objet d’un encadrement normatif renforcé, en particulier dans le secteur financier. Le règlement DORA constitue un texte central en la matière : il impose aux établissements financiers des exigences strictes en matière de gestion des risques liés aux technologies de l’information et de la communication (TIC), de tests de résilience, de gouvernance et de reporting des incidents majeurs. Le règlement NIS2, quant à lui, élargit le périmètre des entités critiques soumises à des obligations de cybersécurité avec des exigences précises en matière de prévention, de gestion des incidents et de coopération avec les autorités compétentes.

Ces obligations se traduisent par la nécessité de documenter, tester et auditer régulièrement les dispositifs de sécurité, qu’il s’agisse de la protection des données sensibles, de la gestion des accès ou de la continuité d’activité en cas de compromissions. Les relations avec les prestataires externes doivent être formalisées via des clauses contractuelles précises sur les engagements de sécurité (SLA, réversibilité, audits), avec des processus rigoureux de sélection, d’évaluation et de surveillance continue. L’organisation doit également se doter de procédures de notification rapide en cas d’incident, avec des rôles et responsabilités clairement définis, conformément aux délais fixés par les régulateurs. Enfin, la responsabilité finale incombant aux instances de direction, il appartient aux RCCI de leur fournir une vision claire et régulière des risques identifiés ainsi que de l’efficacité des dispositifs de contrôle en place.

4. Numérique responsable et enjeux environnementaux

La prise en compte du numérique responsable constitue un volet essentiel de l’évolution des compétences du RCCI qui est de plus en plus sollicité pour intégrer dans sa réflexion les dimensions environnementales et sociales liées à la numérisation des activités. Cette approche s’inscrit dans la montée en puissance des critères ESG : Environnementaux, sociaux et gouvernance.

La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), va progressivement imposer aux entreprises de publier des informations sur la consommation énergétique de leurs systèmes numériques, la gestion du cycle de vie des équipements IT, ou encore les effets indirects liés à l’usage des technologies. De manière complémentaire, le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) oblige les acteurs financiers à intégrer les critères de durabilité dans la commercialisation de leurs produits, ce qui inclut souvent l’usage d’outils numériques pour le scoring ou l’analyse ESG.

Cela se traduit notamment par la nécessité de mesurer et maîtriser les empreintes numériques : consommation énergétique des data centers, durée de vie des équipements, sobriété des développements applicatifs, ou encore choix de fournisseurs engagés sur le plan environnemental. Ces aspects doivent être intégrés dans les politiques d’achats, les stratégies IT, mais aussi dans les dispositifs de reporting extra-financier. Pour la conformité, il s’agit d’accompagner la mise en œuvre de principes éthiques pour veiller à ne pas créer de risques réputationnels, environnementaux ou sociaux.

5. Automatisation et intelligence artificielle

L'automatisation des processus grâce aux algorithmes et à l'intelligence artificielle génère des nouvelles zones de risque. Ces technologies, si elles offrent des opportunités considérables d'efficacité, posent des questions de transparence, d'explicabilité et de biais potentiels que le département conformité doit être en mesure d'évaluer pour garantir que l’utilisation reste conforme aux principes éthiques et aux exigences réglementaires.

Le Règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act) introduit une classification des systèmes d’IA selon leur niveau de risque, avec des obligations renforcées pour les IA à « haut risque », ce qui inclut nombre d’applications utilisées dans la finance (scoring de crédit, surveillance des transactions, conseil automatisé). Ce texte impose des exigences strictes en matière de transparence, traçabilité, documentation, explicabilité et gouvernance des systèmes automatisés.

Les entreprises doivent désormais mettre en place des dispositifs d’évaluation des risques algorithmiques, des mécanismes de validation indépendante des modèles, et des procédures documentées permettant d’expliquer les décisions prises automatiquement. L’auditabilité des systèmes, la gestion des biais, et l’accès humain à la décision deviennent des impératifs dans la conception et le déploiement de ces outils.

Le RCCI doit ainsi acquérir une compréhension suffisante des mécanismes algorithmiques pour évaluer leur conformité aux principes et droits fondamentaux. Il est aussi responsable de s’assurer que les décisions automatisées respectent les exigences réglementaires et déontologiques, en particulier lorsqu’ils touchent à la relation client ou à des décisions à fort impact (comme le refus d’un crédit). Par ailleurs, l’utilisation de l’IA dans les propres outils de contrôle et de surveillance de la conformité ouvre de nouvelles perspectives pour renforcer l’efficience de la fonction RCCI, à condition d’en maîtriser les risques : l'automatisation de certains contrôles de premier niveau peut par exemple constitue une avancée permettant de systématiser certaines vérifications et de libérer du temps pour des analyses à plus forte valeur ajoutée.

6. Conclusion

Le métier de RCCI est aujourd’hui au cœur d’une transformation profonde : les nouveaux enjeux opérationnels liés à la gestion massive des données, à la lutte contre la fraude, à la cybersécurité, au numérique responsable et à l’intelligence artificielle redéfinissent ses missions et ses compétences. Parallèlement, un cadre réglementaire dense et évolutif, comprenant des normes telles que le RGPD, DORA ou NIS2, impose une vigilance accrue et une adaptation constante des dispositifs de conformité.

Au-delà de ses expertises juridiques / risques traditionnelles, le RCCI doit désormais développer une compréhension approfondie des procédés techniques. Si l’intelligence artificielle peut générer des risques nouveaux ou amplifier ceux existants, elle constitue également un levier puissant pour renforcer la capacité d’analyse, affiner la détection des anomalies et automatiser certaines tâches à faible valeur ajoutée. Bien utilisée, elle peut devenir un véritable outil au service d’une conformité plus agile et plus pertinente.

Auteur : Théo Catania

Co-autrice : Justine Cabanis

Source/URL :

https://eur-lex.europa.eu/eli/reg_del/2013/231/oj/?locale=fr : mission du RCCI article 61 point 2 et article 62

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/JORFTEXT000000606599/LEGISCTA000027836236/2025-03-31/ article 318-52

La conformité : Compliance Officer, RCSI et RCCI

Qu’est-ce que la gestion des risques liés aux tiers (TPRM) ? | IBM

Qu'est-ce que la gestion des risques liés aux tiers ? - Continuum GRC

Gestions des risques liés au Tiers TPRM

Conformité des tiers : 5 indicateurs clés à surveiller | Provigis

(14) Les 3 lignes de défense : Un modèle incontournable pour une gestion des risques efficace | LinkedIn

https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/contenu_simple/colloque_journee/journee_rcsi-rcci/18e%20journee%20de%20formation%20des%20RCCI%20et%20des%20RCSI%20-%20Support%20pedagogique%20de%20l%27atelier%201%20consacre%20a%20l%27evolution%20du%20metier%20de%20responsable%20Conformite%20a%20l%27ere%20du%20numerique.pdf

Direction conformité et contrôle interne externalisés : une solution flexible et adaptée à vos enjeux réglementaires

Dans un environnement économique en constante évolution, la gestion de la conformité et du contrôle interne représente un défi majeur pour les entreprises Fintech et Assurtech. Les exigences réglementaires sont de plus en plus complexes et les risques associés à une non-conformité sont conséquents.

Notre offre de direction de conformité et de contrôle interne externalisée vous permet de vous assurer que votre gouvernance et vos pratiques respectent les standards les plus stricts tout en vous concentrant sur leur cœur de métier.

Découvrir notre offre

Suivant
Suivant

Entre exigences des stores et exigences réglementaires : quel équilibre pour les développeurs ?